COMME UN AUTRE

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Peindre avec l’espace, sculpter avec l’essence

La première fois que je rencontrais Marion de Villechabrolle, je me rendais compte de sa nécessité, son besoin vital de créer. Peu importe le médium, sculpture, peinture, photographie, dessin, vidéo, il faut qu’elle dise.

Dire la fragilité et la force de l’existence à la fois.

Dire cette nécessité de vouloir comprendre l’intériorité du corps et son rapport, sa porosité, son heurt face à l’extériorité.

Dire la confrontation, coute que coute. Peu importe le lieu. Peu importe la matière. Marion de Villechabrolle façonne ses pâtes à papier dans sa cuisine, coupe des planches dans son salon, conserve ses outils dans sa chambre. Aucun lieu n’est attitré. Tant qu’il rend l’acte créatif pérenne face à la matière qui impose ses propres contraintes. En effet, « tel un dialogue d’un être avec son corps, la lutte entre [son] désir et la matière à façonner est une composition où [elle] accepte que l’un prenne le pas sur l’autre, et qu’un lâcher-prise advienne… ». Il s’agit donc belle et bien d’une lutte. Mais aussi d’une quête de confiance. Confiance en soi ? Confiance en l’Autre ?

A la manière d’assemblages, de montages, de collages, d’un véritable « métissage de matières diverses » perceptible dans ses cahiers de dessin et ses sculptures, l’artiste peint véritablement avec l’espace et c’est moins un solide qu’elle sculpte que des volumes auxquels elle s’adapte, des volumes qui prennent forme, des corps se mouvant tels des branches, des végétaux, des êtres vivants longilignes proches des travaux de Giacometti. Par les individualités qu’elle photographie, ce sont cette fois-ci les corps qui deviennent matière et qui, comme enveloppés dans un linge de soie, évoluent au même titre que la feuille d’aluminium, le papier, le plâtre. Ce sont de véritables spectres. On assiste à un entrelacement entre la matière et l’existence, toutes deux interchangeables. La matière prend vie, la vie prend forme. La photographie devient tableau. La sculpture prend la forme d’une essence. Des individus semblent parfois presque disparaître puis naissent.

L’exposition présentant l’œuvre de Marion de Villechabrolle se construit ainsi principalement sur sa pratique de la sculpture, de la photographie et du dessin qui fait à la fois écho à une extraction et à une incarnation de la matière, traversée par la problématique du tiraillement de l’existence. « Comme un autre » nous confronte donc à notre propre individualité mais aussi à toutes celles qui sont autour de nous.